Trail running

A la Diagonale des fous, «ma stratégie s’est effondrée»

Au Grand Raid de La Réunion, la tête de la course a été trahie par un mauvais balisage au 20e kilomètre. Dans ce petit groupe qui ne rattrapera jamais les cinquante minutes égarées, il y avait le Vaudois Diego Pazos

Il est minuit passé, jeudi soir à La Réunion. La Diagonale des fous n’a débuté que depuis deux heures et les écarts se creusent déjà. Les meilleurs mettront plus de 20 heures pour rallier l’arrivée. Les autres, le double ou le triple. Deux coureurs sont en tête et sont talonnés par un groupe de six dont fait partie le Vaudois Diego Pazos.

Au kilomètre 20, peu avant le poste de ravitaillement de Notre-Dame-de-la-Paix, le petit essaim de lampes frontales s’arrête net. Le groupe hésite entre deux sentiers. A droite, une longue rubalise déchirée traîne au sol. A gauche, le balisage n’est pas clair. Le trailer vaudois, accompagné par plusieurs favoris et anciens vainqueurs, choisit de suivre la rubalise. Sur la droite, donc.

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C’est une erreur. Ils ont bifurqué sur le parcours d’une autre course, le Zembrocal Trail. Mais ils ne s’en rendront compte que 4 kilomètres plus loin et 500 mètres plus bas, après une descente particulièrement technique. Le groupe fait alors le chemin inverse, dénivelé inclus. Lorsque les coureurs retrouvent le maudit carrefour, ils accusent cinquante minutes de retard sur la tête. Et pointent entre la 300e et la 400e place. «Ma stratégie s’est effondrée, témoigne Diego Pazos au téléphone depuis La Réunion. En préparant cette course, on s’attend à toutes sortes de scénarios. Mais pas à celui-ci!»

Chacun sa remontada

Le tracé, qui traverse l’île du sud au nord, compte 168 km et 9600 mètres de dénivelé positif. Avec l’Ultra-Trail du Mont-Blanc à Chamonix, la Diagonale des fous fait partie de la poignée de grandes courses que tout trailer a envie de courir (et de finir) une fois dans sa vie. Beaucoup de coureurs y emmènent leur famille et organisent leurs vacances autour de ce rendez-vous. Sportivement, c’est l’objectif d’une saison. Diego Pazos s’y préparait depuis des mois. Il avait organisé son agenda et renoncé à l’UTMB, fin août, pour être sûr d’être bien remis d’une petite blessure contractée cet été.

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Pour lui comme pour tous les infortunés, c’est le début d’une longue remontada. Chacun y va de son improvisation. Le Français Benoît Girondel, qui visait une troisième victoire, abandonnera une heure plus tard, blessé à la hanche. Maxime Cazajous franchira la ligne d’arrivée en quatrième position au stade de La Redoute, à Saint-Denis. Antoine Guillon a voulu commencer sa remontée très vite. Trop vite. Il a terminé 28e.

Diego Pazos, lui, s’est montré un peu plus patient. Mais il fallait réagir. Car il n’est pas venu pour faire une dixième ou une quinzième place. Il a déjà fini deux fois quatrième et cette fois-ci, il vise le podium. Après le poste de Mare à Boue, au kilomètre 50, il reste environ 120 km de course lorsqu’il décide d’accélérer. «Je me suis découvert, j’ai dû griller mes cartouches trop tôt. Je me suis sans doute aussi fatigué mentalement. Je n’ai jamais réussi à entrer dans ma bulle.»

Une vingtaine de kilomètres plus tard, aux alentours de Cilaos, Diego Pazos a réussi à rejoindre le top 10. Il n’est plus qu’à quinze minutes du troisième. Mais en haut du col du Maïdo, son corps le lâche: «Je titubais, j’avançais sur courant alternatif.» Encore 50 km à parcourir. Le début d’un long chemin de croix jusqu’à l’arrivée.

Merci, mais non merci

Samedi, vers 3h du matin, il en termine. En 28 heures et 58 minutes, Diego Pazos a quand même terminé 18e. Ou 19e. Il ne sait pas exactement, il n’a pas vérifié, il s’en fiche. «Je suis évidemment déçu. Ce n’est qu’une course, mais ce n’est pas facile à vivre.» En colère contre l’organisation? «Je ne sais pas… Au Montreux Trail [dont il est l’un des organisateurs, ndlr], nous avions aussi été victimes de petits malins qui avaient changé le balisage, ça peut arriver.»

Dimanche soir, ni lui ni les autres coureurs n’avaient encore eu droit à une vraie explication. C’est ce qui semble davantage agacer Diego Pazos que l’incident lui-même. Mauvais balisage, débalisage, balisage malveillant… «Ils ont changé de version plusieurs fois.»

Le patron de la course a en tout cas d’ores et déjà officiellement proposé de réinviter et de défrayer les malheureux, pour la prochaine édition, en 2020. A priori, Diego Pazos n’en sera pas. De l’amertume? «J’ai d’autres objectifs en tête.»

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